La Résistance autour de Fresselines

Ci-contre le « Bataillon Anne« , sous la direction du « Commandant Anne » , dont la zone d’activité se situait autour de Fresselines.

Le Commandant Anne (Alfred Maldant) se trouve au milieu, un genou à terre.

Cette page se concentre sur un aspect plutôt anecdotique de la Résistance.

Pour des informations plus historiques et précises sur la Résistance en Creuse, voyez par exemple  (il existe de nombreuses autres sources) :

  • les ouvrages de Roger THOME  « Le Groupement des Bataillons Anne« , tome 1 et 2, imprimerie Lecante, Guéret, 1989 et 1991.
       Ces ouvrages sont apparemment  épuisés, mais le tome 1 est consultable sur  Google books.
       (Voir aussi le « Fonds Roger Thome » aux Archives Départementales de Guéret.)
  • BONNET (Jean), Creuse 1939-1945 : les années sombres, Ahun, 1997.
  • PARROTIN (Marc), Immigrés dans la Résistance en Creuse, éd. Verso, Guéret, 1998.
  • PARROTIN (Marc), La Résistance en Creuse, éd. Verso, Guéret, 1995.
  • PARROTIN (Marc), Le Temps du maquis, Aubusson, 1981.
  • http://www.creuse-resistance.fr
  • http://maquisardsdefrance.jeun.fr/
  • https://www.anacr.com/  (Ancien Combattants et Amis de la Résistance)

La Mission Interalliée

A Fresselines, le jour du banquet d’adieux de la Mission Interalliée.
De gauche à droite :
le capitaine « Richard », britannique, frère du commandant « Edouard »,
 
le lieutenant « François » [plus tard auteur de « The OSS and I » – cf ci-dessous] , américian,
le commandant « Edouard » (britannique), le lieutenant « Micheline », opératrice radio, irlandaise,
le lieutenant « Alexandre », britannique, le lieutenant « André », britannique

Le témoignage d'un Américain parachuté en août 1944 pour aider les Réseaux creusois

« Les Services Secrets Américains et Moi »

par William J. MORGAN

Sous ce titre fort modeste [« The OSS and I » en anglais, publié en 1957] se cache non pas un roman mais le témoignage de William J. MORGAN, alias « Lieutenant François« , un Américain parachuté à Fresselines pour aider la Résistance.

Il y décrit les actions auxquelles il a participé, en Creuse puis dans le sud de l’Indre.

Il sera intéressant également de lire la façon dont cet Américain dépeint les Maquisards français et les jugements qu’il porte sur eux.
Les faits et personnages de ces pages sont tous réels. L’attaque du Pont de la Farge, par exemple, a bien eu lieu. Le « Commandant » mentionné dès les premières pages était le « Commandant Anne », Alfred Maldant, directeur de l’école de Fresselines.

Je propose ici la traduction que j’ai faite de ce  livre publié en 1956 par William J. MORGAN.

L’ouvrage n’est plus édité aux Etats-Unis. A ma connaissance, aucune traduction en français n’en a jamais été faite.

Vous trouverez ci-dessous quelques extraits de ces pages.

Vous pourrez aussi télécharger gratuitement la traduction des chapitres qui concernent la Résistance en cliquant ici [50 pages, format PDF, 886 Ko].  Vous pourrez alors le consulter hors-ligne, ou l’imprimer facilement.

 

Le parachutage

(13 août 1944)

Je tombai lourdement à terre et fis une roulade pour amortir le choc. Puis, toujours couché par terre, j’enlevai les harnais du parachute, dégainai mon Colt 45 et me mis à scruter les alentours, l’arme au poing. Tout autour de moi, les boîtes, les paniers et les containers étaient éparpillés, les parachutes flottant encore un peu. Je vis bientôt des silhouettes qui couraient dans leur direction et j’entendis des voix agitées qui discutaient en français. Les phares d’un camion les guidaient dans leurs efforts pour rassembler le matériel. L’une des boîtes s’était ouverte en tombant et des hommes couraient et criaient tout autour. Personne ne venait me chercher. « Qu’ils aillent au diable ! » dis-je tout haut et je me mis à replier mon parachute. Alors deux Français, ensemble, me montrèrent du doigt et l’un d’eux courut vers moi. Je mis mon parachute sous le bras et avançai à sa rencontre. Il s’arrêta brusquement à une dizaine de mètres de moi. Dans mon meilleur français je lui dis « Comment allez-vous ? » II en resta bouche bée, à me dévisager. Sans dire un mot, il se retourna et courut vers l’autre Français, plus vite qu’avant. Je le suivis. Ils avancèrent vers moi, côte à côte, chacun avec une Sten pointée vers moi.
 »Je suis américain, » dis-je. Ils ne répondirent pas. Je ne bougeais pas. Ils m’entourèrent, soupçonneux. « C’est une sacrée façon de traiter un Américain, » dis-je tout haut. J’essayai ensuite, en français, des jurons pas trop violents, mais leur seule réponse fut de crier : « Levez ! Levez !  » en agitant violemment leurs Stens pour me faire comprendre de lever les mains en l’air. Je hurlai des jurons, puis leur souris, dans l’espoir de les provoquer. Ils gesticulaient avec leurs Stens en direction du camion. Je me dirigeai vers la lumière des phares et ils me suivirent, sur mes talons. Je m’aperçus qu’ils me prenaient peut-être pour un Allemand. Ma tenue de parachutiste me couvrait de la tête aux pieds et je n’avais aucun insigne visible qui aurait pu indiquer mon rang ou ma nationalité.
(page 4)

Les illustrations des armes sont © Pierre Lorain 1972.
Elles sont extraites de son ouvrage « Armement Clandestin – France – 1941-1944« 


A droite, le « Commandant Anne » (Alfred Maldant),
décrit dans le passage ci-contre.

A gauche, le « Commandant Edouard ».

Le Commandant

Le Commandant avait ce type de l’officier français aristocratique, jeune, beau, toujours poli et correct comme un Anglais, avec cependant l’exubérance latine. Il me prit la main droite dans ses deux mains et me secoua le bras comme s’il s’agissait du levier d’une pompe à eau, puis se pencha en avant et me dit très chaleureusement : « Avez-vous bien dormi ? »

(page 7)

© Pierre Lorain 1972

Le Camp

Il y avait une cinquantaine de maquisards au Camp Moulin. Quelques-uns avaient servi dans les rangs de l’armée, mais la plupart n’étaient que de jeunes campagnards affamés, mal habillés, qui avaient trouvé refuge dans les bois, soit pour échapper au camp de travail obligatoire en Allemagne, soit pour venger un membre de leur famille qui avait été torturé ou tué par les Allemands . Le moral était bas. Ils obéissaient aux ordres et faisaient de leur mieux pour apprendre, mais ils n’avaient pas l’esprit de combat. Ils haïssaient l’ennemi, mais ils le craignaient. Le plus grand compliment qu’ils pouvaient faire à un soldat était : « Il n’a pas peur des Boches. »
(page 9)

Embuscade

A 7 heures, au moment où le soleil allait se coucher, nous fîmes sauter le pont. Des cailloux et des blocs de pierres furent projetés à des centaines de mètres (…).
Les Maquisards, en tout une quarantaine, étaient
répartis le long de le route, des deux côtés, sur une distance de trois kilomètres dans la direction de Guéret. Chaque bazooka, Piat et Bren était servi par trois hommes. Les lanceurs de grenades et les tireurs étaient seuls à leurs postes. Chaque homme avait un champ de tir bien délimité. (…)
Le grondement se rapprocha. Je vis les lumières pâles de la colonne arriver en haut d’une côte, trois kilomètres plus loin. Ils avaient cessé de tirer dans les bois et les champs environnants. Très lentement, ils descendaient vers le pont. Je m’accroupis derrière un rocher et je scrutai la nuit. Je ne pouvais pas voir grand chose. Ils étaient bel et bien là, mais les phares, recouverts de papier ou de tissu noir percé d’une fente, n’envoyaient que de faibles rayons de lumière. Un char léger, suivi d’un camion, était en tête de la colonne. Le tank arriva devant le pont et s’arrêta.

(page 22)

© Pierre Lorain 1972

Fin du séjour à Fresselines

Notre séjour à Fresselines nous obligeait à participer à deux banquets par jour, où nous étions les invités d’honneur. On nous servait en quantité les meilleurs plats et les meilleurs vins. Le déjeuner commençait à 1 heure de l’après-midi et finissait à 16 heures 30 ; le souper commençait à 7 h et se terminait souvent vers minuit. Nous étions véritablement gavés de nourriture. Nos cerveaux étaient embrumés par le cognac et le champagne. L’alcool et la nourriture commençaient à nous fatiguer.

Nous étions obligés d’assister aux cérémonies du rasage de têtes. Les Français aimaient particulièrement raser les têtes des collaboratrices. Certaines n’étaient que de jolies prostituées dont le seul crime était d’avoir couché avec des Allemands. A la fin de ces cérémonies, nous buvions beaucoup pour oublier ce spectacle.

Après les combats exaltants, notre vie devenait monotone.
 
(page 49)

MAJ 05/03/2022